Le parcours des hommes mobilisables en 14-18 est très variable. J'avais remarqué celui d'un cousin par alliance condamné aux travaux publics et j'ai cherché à documenter son histoire.
Les établissements pénitenciers d'Afrique du Nord
Des bataillons disciplinaires et des pénitenciers destinés au réfractaires et indisciplinés de l'armée française sont apparus dès le début du XIXe siècle. Mais le nombre de punis a explosé au début du XXe siècle comptant près de 4000 détenus à la fin de la Première guerre mondiale.
L'ensemble, composé de plusieurs établissements, était souvent appelé le "bagne de Biribi". Dès les années 1900, des journalistes font état de situations dramatiques dans ces lieux et Albert Londres publie en 1924 son livre "Dante n'avait rien vu".
Le parcours militaire de Louis Levert
Benjamin d'une famille de sept enfants, Louis nait le 22 janvier 1884, à Lyon 5ème, le quartier dynamique et ouvrier de Vaise. Appelé avec la classe 1904, il est "bon pour le service": 1,73m; cheveux et sourcils bruns, des yeux bleus, instruction primaire.
Il rejoint le 10ème régiment de cuirassiers et déserte à deux reprises. la première fois, il rentre volontairement, la seconde il est arrêté par la gendarmerie. Entre ses périodes militaires et de prison, il est libéré en octobre 1911 et obtient même le certificat de bonne conduite. Le décompte précis de ses mois sous les drapeaux a été réalisé après déduction des interruptions.
Rentré à Lyon, Louis, vingt-sept ans, épouse Pauline Luxemburger, de deux ans sa cadette.
La guerre et le bagne
Louis rejoint son régiment lors de la mobilisation générale et est réformé dans un premier temps. Mais en septembre 1915, il est rappelé et déserte de nouveau à deux reprises. Cette fois il est condamné à cinq ans de travaux publics. Il aura une remise de peine d'un an en août 1919 et sera gracié en août 1920, ce qui se traduit par des lignes raturées sur son registre matricule.
Le retour à la vie civile
La réadaptation semble compliquée. Louis et Pauline divorcent. Le juge précise que ce séjour en pénitencier a causé du tort à la jeune femme.
Louis est ensuite condamné à trois reprises à quelques mois de prison pour vol et vagabondage. Il meurt le 22 août 1931 à quarante-sept ans à l'hôpital de l'Antiquaille à Lyon.
Sources: Archives départementales du Rhône, 1Rp1084, Uciv 1153, Ucor 915-1213-1215; archives municipales de Lyon; Kalifa D. Biribi : les bagnes coloniaux de l'armée française, Paris, Perrin,