Genealuxie
Généalogiste

Genealuxie, généalogiste à Lyon (69)

Eugénie: du tour d'abandon à l'Amérique


Le thème UproG de ce mois est "un enfant de l'assistance". Nous sommes en décembre, j'ai donc choisi une belle histoire, celle d'Eugénie Sibaire (1832-1907)

 

Le 16 décembre 1832 en fin d’après-midi, une enfant nouveau-née est déposée au tour de l’hôpital de la Charité à Lyon. Construit au XVIIe siècle, ce grand établissement au bord du Rhône a pour principale fonction de secourir les enfants assistés de plus de sept ans que l’Hôtel-Dieu voisin ne peut garder. A partir de 1783, les filles enceintes et les enfants en bas-âge orphelins ou abandonnés les rejoignent. Un tour est mis en place en 1804, pour déposer les nourrissons et sonner une cloche afin qu’ils soient rapidement recueillis. Mais la mortalité infantile reste élevée et il est supprimé en 1859 pour privilégier l’accueil au bureau des réceptions. 

 

La petite fille déposée au tour ce jour-là est nommée Eugénie Sibaire, sans que l’on sache comment et par qui ce nom lui est attribué.

« Eugénie Sibaire, fille exposée aujourd’hui à six heures du soir dans le tour de cet hospice, ayant un bonnet d’indienne fond brun à fleurs jaunis, un drap peau en coton, un lange drap brun, un mouchoir de poche & une bande de toile porteuse d’un billet ainsi conçu : né aujourd’hui le 16 décembre 1832 à 1 heure. Sibaire est mise à la Charité le même jour, a été baptisée dans cet hospice et enregistrée à la mairie de cette ville. »

 

Eugénie est confiée le lendemain de sa naissance à un couple de Touchefeu (la Chapelle-Saint-Martin) en Savoie. Elle reste avec eux jusqu’à l’âge de 5 ans puis connait trois autres familles d’accueil jusqu’à ses 14 ans, toutes dans des villages à l’ouest du lac du Bourget. Une layette puis des habits leur sont remis environ tous les six mois.

 

De 1843 à 1847, elle habite chez les Biollet à Gerbaix et commence à travailler « à gages ». Ce statut débute à 12 ans, même si on se doute que les enfants aident dès leur plus jeune âge, y compris ceux de la famille d’accueil. Pas de recensement dans ce village durant la période concernée. Mais en 1876 on retrouve la famille Biollet (Biolley) des cultivateurs qui avaient une trentaine d’années lorsqu’Eugénie vivait avec eux. Elle était présente lors de la naissance de leur fils François.

 

L’adolescente part ensuite au Passage dans l’Isère, puis rentre seule à Lyon à l’âge de 18 ans. Elle travaille pour divers employeurs de l’ouest lyonnais et reçoit soit 190 francs de gages annuels, soit 90 francs et une robe. Pendant ses années d’enfant assistée de la Charité, Eugénie a appris à signer, peut-être à lire et écrire, reçu une éducation religieuse, et gagné un peu d’argent placé à la Caisse d’Epargne. La clôture de son compte en déshérence est annoncée au Journal Officiel en 1892.

 

Nous la retrouvons le 2 mai 1855. Agée de 22 ans, elle est domestique au 6 place Saint-Pierre (actuellement place Meissonnier) à Lyon 1er dans le quartier des Terreaux. Elle accouche à l’hôpital de la Charité d’une fille de père inconnu nommée Marie Sibaire. La petite est confiée à son tour à l’assistance. Elle est envoyée en Ardèche où elle se mariera et aura une descendance.

 

Eugénie devient tisseuse en soie et épouse le 6 juillet 1861 à Lyon 4ème un tisseur suisse originaire de Zürich. Son contrat de mariage nous indique qu’elle est parvenue à se constituer une dot de 2000 francs comprenant :

  • « son trousseau composé des linges nippes et hardes à son usage personnel amiablement évalués par les parties à la somme de cinq cents francs… »
  • « différents objets mobiliers et meubles meublants garnissant son domicile aussi amiablement évalués cinq cents francs… »
  • « et une somme de mille francs en espèces… »

 

Deux fils naissent à Lyon : Jacques en 1862 et Eugène en 1863. La famille habite encore le plateau de la Croix-Rousse lors du recensement de 1866, puis part à Paterson aux Etats-Unis. Cette ville du New Jersey devient en cette fin du XIXe la « silk city » de l’est américain et attire les ouvriers européens, au moment même où cette industrie de la soie est en déclin à Lyon.

 

Lors du recensement de 1880, la famille s’est agrandie de deux petites filles :  

  • James (Jacques), 56 ans, tisseur en soie, suisse
  • Jane (Eugénie), 47 ans, femme au foyer, française
  • James (Jacques), 18 ans, fils, tisseur en soie, déclaré né au New Jersey (erreur)
  • Eugène, 17 ans, fils, mêmes informations que son frère
  • Louise, 7 ans, fille, écolière
  • Jane (Eugénie), 3 ans, fille.  

 

Eugénie vit presque quarante ans à Paterson. A la fin de sa vie, elle réside avec sa fille Louise. Elle lègue une maison et des petites sommes à ses enfants et petits-enfants. Elle décède le 5 mars 1907 à l’âge de 74 ans.  

 

Sources: Gravure du XIXème siècle représentant l’abandon d’un nouveau-né dans un tour. Artiste inconnu; Gallica, Bibliothèque nationale de France; Archives municipales de Lyon; Archives départementales du Rhône; Geoportail; Ancestry: presse, recensement, FindAGrave


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