Genealuxie
Généalogiste

Genealuxie, généalogiste à Lyon (69)

Enfants déposés au tour de la Charité de Lyon


2 commentaires

Lors de leurs recherches, les généalogistes croisent très souvent des petits abandonnés.

J'ai eu la chance de reconstituer le parcours de plusieurs d'entre eux. C'est la version heureuse, ils avaient survécu puisque leurs descendants voulaient des informations.  La version triste, c'est tous les petits morts rencontrés lorsque j'étudiais les registres d'état civil de l'Ain ou de l'Isère. Des nourrissons "de l'hospice de Lyon" dont le décès était déclaré par leur "père nourricier".  

Le challenge UPro-G de ce mois, le tour d'un hospice,  m'a donné envie de suivre une cohorte d'enfants abandonnés lors d'un mois choisi au hasard: janvier 1839.  Travail un peu long mais facilité par la présence des registres numérisés et d'un excellent guide de recherche sur le site des Archives municipales de Lyon. 

 

Le tour de l'hôpital de la Charité de Lyon était situé sur le mur de la façade donnant sur la rue du même nom. Il a fonctionné entre 1804 et 1858. En ce mois de janvier 1839, les nourrissons "exposés" sont bien plus nombreux que ceux "nés à l'hospice" ou "abandonnés". 

Au total 110 nouveau-nés sont déposés au tour, seuls 2 ou 3 sont une peu plus âgés; 14 sont déjà morts. Une petite fille est trouvée dans une boite en carton. 

 

Layette et billets

Les enfants sont le plus souvent coiffés d'un bonnet d'indienne, emmaillotés dans un lange de coton. Béguins (coiffes nouées sous le menton), drapeaux (langes) et mouchoirs les accompagnent.  

La plupart ont été déposés avec un billet qui demande de conserver un nom, peut-être faux. Nous sommes sous le règne de Louis-Philippe et, malgré l'abandon, une famille tient à marquer ses convictions politiques: leur fils doit s'appeler Eugène Napoléon. 

 

Les autres mentionnent que le bébé est déjà baptisé, ou que la mère est morte, ou encore qu'ils ont l'espoir de le reprendre. Une des notes précise que l'enfant est légitime.  

Une jeune femme prépare deux lettres. Dans la première, avant son accouchement, elle déclare que le père est un Italien garçon limonadier qu'elle a connu à Lyon mais qui vit à Paris. Si elle meurt en couches, elle espère que son compagnon réclamera l'enfant, si elle survit : "Je m'efforcerai toujours à trouver le moyen de reconnaitre mon enfant". Après la naissance elle indique que c'est une fille "laquelle n'a aucune difformité ni envie sur son corps". Nous ne saurons jamais si elle a tenté de reprendre sa petite Joséphine, cette dernière meurt en Ardèche à l'âge de huit mois. 

 

Crèche et envoi à la campagne

Tous les nouveau-nés séjournent à la crèche de l'hôpital où ils sont baptisés, même quand le billet précisait qu'ils l'étaient déjà, vaccinés contre la variole, et reçoivent un numéro matricule avant leur départ dans les villages de la région. 

 

Ils voyagent dès les premiers jours, parfois le lendemain de leur réception. Beaucoup vont en Ardèche dans le canton de Tournon, en Savoie près de Yenne, ou dans l'Ain près de Belley ou Nantua. Plus rarement en Isère ou Saône-et-Loire.  

La mortalité est effroyable, 52 des 89 qui restent placés meurent avant l'âge de six ans (58%). Trois enfants ne quittent pas l'hôpital, les autres meurent dans les familles d'accueil, surtout les deux premières années. 

 

Rendus à la famille

L'histoire se termine mieux pour sept d'entre eux. Après étude de la requête des familles, leurs enfants leur sont remis. Certains font un petit don pour les dépenses engagées par l'hôpital. 

Marguerite Dumond, Louis Jean Asper sont ramenés de Savoie et Claude Vignaud de l'Ain pour vivre avec leurs mères célibataires. Félix Arnaud reprend son nom Daydé car ses parents l'avaient déposé sous un faux patronyme. Les parents de Louise Gérard, née hors mariage, se sont unis. Et la mère de Françoise Berthier s'est mariée avec un homme qui accepte de la prendre. 

La famille de Pierre Nageotte n'attend pas. Son père Jean-Baptiste, cordonnier, va lui-même le chercher à Contrevoz dans l'Ain le jour de Noël 1839. Il aura le même métier que son père et se mariera à deux reprises.   

 

Sources: Archives municipales de Lyon (cotes: CH_4Q092; CH_6Q021; CH_4Q270; CH_4Q355 et 356)


Lire les commentaires (2)

Articles similaires


2 Commentaires

Ne sera pas publié

Envoyé !

Genealuxie
25 JUILLET 2025 à 10:16

Delphine
32 sur 51 garçons (62.7%) et 20 filles sur 38 (52.6%). Petits nombres donc pas forcément différents statistiquement (je n'ai pas fait le test mais c'était mon premier métier).
Et globalement la mortalité infantile des garçons a toujours été plus élevée.

Lecat-Caffin Delphine
24 JUILLET 2025 à 21:52

Très intéressant article , vraiment passionnant pour moi qui vit en Savoie. Sur ces « 52 des 89 qui restent placés meurent avant l'âge de six ans (58%)«  sait-on le nombre de filles et de garçons ?
Juste comme ça…. Merci ☺️

Derniers articles

Enfants déposés au tour de la Charité de Lyon

24 Juil 2025

Lors de leurs recherches, les généalogistes croisent très souvent des petits abandonnés.
J'ai eu la chance de reconstituer le parcours de plusieurs d'entre e...

Louis Achard, été 1944

26 Mai 2025

Le challenge UPro-G de ce mois : un résistant. 
J'ai choisi de sortir de l'anonymat le neveu de mon grand-père, Louis Achard, qui fut mobilisé au début de la...

Palmes académiques: n'oublions pas les "non fonctionnaires"

29 Avr 2025

Challenge du mois d’avril 2025 : une distinction de l’Éducation nationale
Si vous avez un ancêtre enseignant, il peut être intéressant de chercher s’il a été...

Catégories

Création et référencement du site par Simplébo

Connexion