Au cours de recherches généalogiques, deux évènements surprennent les descendants : les naissances hors mariages et les divorces. Leur augmentation est le plus souvent associée aux années 1970s. Mais ils n’étaient pas rares au début du XXe siècle surtout dans les métropoles et villes moyennes où se concentrent mes recherches : Lyon, Saint-Etienne, Roanne, Grenoble.
Pendant la Révolution le mariage devient un acte civil et le divorce est autorisé. Le Code civil le restreint considérablement en 1804 et la Restauration l’abolit en 1816. Il faudra attendre la loi Naquet en 1884 pour qu’il soit rétabli en cas de fautes : adultère, condamnation, excès, sévices et injures graves. Une loi plus restrictive est votée en 1941 et abolie en 1945.
Une fois le divorce prononcé, il apparait en mention marginale de l’acte de mariage et la décision finale du tribunal est transcrite dans les registres d'état civil de la commune.
Les raisons invoquées par les parties ne sont en général décrites que dans le jugement de divorce. Ce dernier résume une tranche de vie du couple, à interpréter avec précaution puisqu’il s’agissait pour les protagonistes de prouver la « faute » du conjoint.
Entre 1899 et 1947, vingt-quatre couples de ma famille très élargie, ancêtres directs et cousins lointains, ont divorcé.
Même évolution dans ce petit échantillon que celle constatée par les historiens : progression régulière jusqu’à la Première Guerre mondiale (environ 5% des mariages), arrêt presque complet pendant le conflit puis « explosion » après-guerre (12%) pour ensuite se maintenir à un plateau de 7-8% des unions (Sardon JP, 1996).
Sept divorces surviennent avant la Guerre de 14-18, quatorze entre les deux conflits, un au début de la Seconde Guerre mondiale et les deux derniers en 1945 et 1947. Un seul est clairement lié à un conflit, l’époux ayant été au bagne militaire pour désertion.
En moyenne les jugements sont prononcés après une dizaine d'années de mariage, mais le plus souvent la séparation a eu lieu bien avant et les enfants sont peu nombreux.
Les femmes sont accusées de conduite irrégulière, adultère, insultes, abandon d’enfant. Elles répliquent et parlent de maris qui s’adonnent à la boisson, qui amènent leur maitresse à domicile et autres joyeusetés. Quelques extraits.
La majorité des femmes étudiées se remarient avec un divorcé ou un veuf.
Le sort des enfants est particulièrement triste. La mère en perd la garde si le divorce est au profit du mari. Pourtant celui-ci peut rarement s’en occuper et les envoie en pensionnat ou chez les grands-parents. Ainsi l’une de mes ancêtres directes m’a raconté n’avoir jamais revu sa mère. Lorsque le père a tort, il utilise rarement un droit de visite.
Le plus ancien divorce dans ma famille est prononcé en 1899. Deux ans plus tôt Louise V. a été surprise en flagrant délit d’adultère avec mon arrière-arrière-grand-oncle Michel Luxemburger. Son mari demande le divorce et elle perd la garde de leur fils. Michel écope d’une amende. L'histoire se termine bien car il ne s’agissait pas d’une simple aventure. Louise et Michel quittent Lyon et se marient à Nantes en 1912.
Sources : Gallica (BnF) ; Sardon Jean Paul. L'évolution du divorce en France. In: Population, 51ᵉ année, n°3, 1996. pp. 717-749 : Archives départementales du Rhône; Archives municipales de Lyon