Challenge UPro-G de février 2025: un aviateur
Raoul Lufbéry est un combattant franco-américain de la Première Guerre mondiale.
Il est l'objet de nombreuses notices biographiques dans ces deux pays et d'une page Wikipedia. Je me concentrerai dans cet article sur les informations obtenues grâce aux recherches généalogiques classiques: archives d'état civil, militaires, recensements, presse, complétées par des notes sur le contexte historique.
Gervais Raoul Victor Lufbéry vient au monde à Chamalières dans le Puy-de-Dôme le 14 mars 1885.


Son père Edward Lufbery (sans accent en anglais) est Américain, né à New York en 1854. Il vit en France depuis la fin de l'adolescence ainsi que ses parents et son frère aîné George, industriel dans le Cher.
Edward, chimiste spécialisé dans l'industrie du caoutchouc, est employé aux établissements Torrilhon, dont il deviendra directeur.
Il se marie à vingt-deux ans avec une jeune fille de la ville âgée de seize ans, Anne Vessière .
Après une petite Charlotte qui ne vit qu'un mois, ils ont trois garçons: Julien William en 1879, Charles Albert en 1881 et Raoul Gervais en 1885. Ils habitent rue de la Poudrière.
Anne meurt l'année suivante, à vingt-six ans, laissant trois orphelins de sept, quatre ans et quatorze mois. Ils sont élevés par leur grand-mère maternelle Madeleine Grenier, épicière.



Leur père se remarie en 1890 avec une autre Française et part aux États-Unis dans le Connecticut. Il revient en France quelques années plus tard. Certains des cinq enfants de son second mariage naissent en Amérique, d'autres en France, mais tous vivront finalement aux États-Unis. Malgré la distance, Edward garde des liens avec ses premiers fils et les enfants se connaissent. Il revient définitivement en France, se passionne pour la timbrologie, et meurt à Blois en 1929.
Revenons à Raoul, il est absent lors de l'appel de sa classe en 1905 et déclaré insoumis.

Qu'a-t-il fait entre 1896 et 1905? Le témoignage de son frère Julien nous est précieux pour compléter les documents administratifs. Pendant cette période, Raoul exerce plusieurs petits métiers, puis décide de faire le tour du monde. Il rejoint d'abord Alger puis Le Caire, d'où son absence aux journées d'appel. Il opte pour la nationalité américaine et son registre matricule est complété par la mention "rayé des contrôles de l'insoumission" en 1910.

Ses pérégrinations sont décrites dans de nombreux articles de presse qui parfois se contredisent, il faudrait plus de temps pour détailler son parcours. Afrique du Nord, Egypte, Balkans, États-Unis. À San Francisco, il s'engage au 20e régiment d’infanterie, unité déployée aux Iles Hawaï en 1908 puis aux Philippines en 1910. Il est libéré à la fin de son contrat en
Mais la rencontre clé a lieu en Indochine où il devient le mécanicien du grand aviateur Marc Pourpe. Ce dernier a son âge, il est né en 1887 à Lorient, a grandi à Suez et beaucoup voyagé. Ils deviennent amis et participent au raid Le Caire-Khartoum (4500 km) au printemps 1914.

La guerre éclate. Marc est mobilisé dans l'aviation. Raoul, citoyen américain, s'engage dans la Légion étrangère pour pouvoir combattre avec son ami qui parvient à le faire transférer auprès de lui. L'appareil de Marc Pourpe s'écrase au retour d'un vol de reconnaissance au-dessus des lignes ennemies en décembre 1914.
Raoul décide alors de devenir pilote. Après une première formation et une affectation dans une unité de bombardier, il suit une seconde phase d'instruction pour intégrer l'aviation de chasse. C'est chose faite en mai 1916. À trente-et-un ans, il rejoint l'escadrille La Fayette, composée de pilotes américains volontaires et de quelques Français. Leur bannière est une tête de sioux et leurs mascottes deux lions Wiskey et Soda. Lorsqu'en 1917 les États-Unis entrent en guerre, l'escadrille est intégrée à l'aviation américaine.

Pendant les années de guerre, les exploits puis la mort de Raoul le 19 mai 1918 à Maron en Meurthe-et-Moselle sont suivis des deux côtés de l'Atlantique.


Devenu as de l'aviation (au moins cinq victoires homologuées) il a reçu en itannique. Les Français lui ont décerné la Médaille militaire, la Croix de guerre 1914-1918 et la Légion d'Honneur.
Les archives des deux armées conservent une fiche récapitulative de ses services.


Sa mémoire continue à être honorée en de multiples endroits: monument aux morts de sa ville natale de Chamalières, qui lui a aussi attribué une rue; plaques commémoratives au Bourget, à Toul, à Maron où il est décédé, à Marne-la-Coquette, Orly. Il est aussi citoyen d'honneur de Wallingford dans le Connecticut.


Des cérémonies ont lieu en 1928, relatées par les journaux français et américains. En 1939, son souvenir est réactivé, probablement pour encourager les Américains à rejoindre les alliés. Il est question de créer une escadrille Lufbéry. Mais le projet avorte, les Américains désirant alors rester neutres.


Sources: Archives départementales du Puy-de-Dôme (6 E 75 41, 6 M 1456-1457-1458); Mémoire des hommes (A250755R); Base Léonore (LH/2789/171); Retronews; Ancestry; photos famille et musée franco-américain du château de Blérancourt