Le pont de l'Alma et son zouave, le boulevard Sébastopol, la station de métro Crimée à Paris et bien d'autres traces subsistent de la guerre de Crimée. Mais le souvenir de son traumatisme est effacé de nos mémoires. Et pourtant, tous les généalogistes qui feuillètent les registres d'état civil en mesurent les conséquences.
La guerre de Crimée (1853-1856)
Le conflit oppose la Russie à l'Empire Ottoman soutenu à partir de 1854 par la France, le Royaume-Uni puis la Sardaigne. De nombreux historiens se sont penchés sur le déroulement des combats, cet article ne peut résumer toutes leurs recherches.
Mais avec 120 000 Français engagés et une guerre qui fut une catastrophe humanitaire, quelles en furent les conséquences dans les villages ?
Les jeunes du Bourg-d'Oisans en Crimée
Le bourg et ses hameaux isolés compte 3200 habitants lors du recensement de 1851. Une épidémie de choléra a ravagé la ville entre août et octobre 1854 (voir: Au fil des registres: l'épidémie de choléra de 1854 en Isère).
Les deux années suivantes la commune perd douze jeunes en Crimée. François Perrin, le premier décès transcrit sur les registres, est mort de fièvre typhoïde à l'hôpital Douad Pacha le 29 avril 1855.
Les extraits mortuaires en provenance de l'Armée d'Orient s'enchainent, transcrits sur les registres d'état civil de la commune deux à quatre mois après le décès du jeune.
- François Perrin, 22 ans, hussard au 1er régiment, fièvre typhoïde
- François Magnin, 34 ans, sous-lieutenant des voltigeurs du 62ème régiment de ligne, choléra
- Michel Sonnier, 22 ans, fusilier au 6ème régiment de ligne, choléra
- Félix Cornu, 24 ans, sergent fourrier au 86ème régiment, mort au combat
- Louis Meunier, 24 ans, fusilier au 100ème régiment de ligne, fièvre intermittente
- Henri Doutat, 26 ans, fusilier au 27ème régiment de ligne, dysenterie chronique
- Jean Michel Arnaud, 21 ans, chasseur à pied, diarrhée chronique
- Louis Ruynat, 21 ans, fusilier au 100ème régiment de ligne, diarrhée aigue
- Joseph Arnol, 22 ans, 2ème canonnier conducteur au 16ème régiment d'artillerie à cheval, scorbut et typhus
- Maximin Balme, 21 ans, grenadier au 6ème régiment de ligne, fièvre typhoïde
- Pierre Hostache, 21 ans, fusilier au 10ème régiment de ligne, typhus
- Antoine Jouvenel, 28 ans, fusilier au 57ème régiment de ligne, typhus
Seul Félix Cornu est mort au combat lors de l'assaut de la tour de Malakoff le 8 septembre 1855.
Les onze autres ont été hospitalisés dans les hôpitaux et ambulances (hôpitaux mobiles) et n'ont pas survécu à la maladie. Quatre jeunes faisaient partie de la classe 1854 (nés en 1834).
Les conscrits du Bourg-d'Oisans ont été victimes du désastre sanitaire de ce conflit: 95 000 morts dans les rangs français, plus des trois-quarts de maladie. Loin des combats acharnés représentés sur les peintures.
Une prise de conscience
Du côté français le rapport de Jean-Charles Chenu publié en 1865 conduira à la réorganisation du système de santé militaire qui deviendra un service autonome en 1882.
Chez les Britanniques, Florence Nightingale, marquée par son expérience en Crimée, sera à l'origine de la professionnalisation et de la formation d'infirmière.
Sources:
- Archives départementales de l'Isère
- revue l'Histoire, dossier Guerre de Crimée, février 2025
- peintures et lithographies: Félix-Joseph Barrias- Debarquement des Français et des Anglais dans la baie de Kalamita le 14 septembre 1854 - Château de Versailles; Adolphe Yvon: Prise de la tour de Malakoff par le général Mac-Mahon, le 8 septembre 1855- Château de Versailles; Adolphe Yvon: Combat dans la gorge de Malakoff, le 8 septembre 1855- Château de Versailles; Auguste Carpentier - Jean Charles Chenu - Bridgeman Images; Florence Nightingale marchant parmi les soldats blessés et malades, Illustrated London News, 24 février 1855.
