Le comptoir de la Compagnie Française des Indes à Pondichéry est fondé en 1673. Sous Dupleix en 1740, les Français sont estimés à 2000 pour une population de 80 000 personnes. La large majorité des arrivants sont des hommes qui épousent des femmes de la seconde génération.
Les sœurs Jaffré, toutes nées à Pondichéry, ont ainsi épousé très jeunes des nouveaux-venus dans la colonie. Elles ont traversé la période troublée des guerres avec l’Angleterre et la destruction de Pondichéry en 1761. Elles ont eu une descendance qui a fait souche dans l’Océan Indien.
Leur père François Jaffré dit La Trompette (1703-1776), originaire de Quimper dans le Finistère, est canonnier de la forteresse. Il épouse Marguerite Vaguenard (1714-1751) née à Pondichéry d’un père venant du Brabant (Pays-Bas espagnols) et d’une mère du comptoir anglais de Madras. Cette dernière était probablement luso-indienne comme l’indique son patronyme portugais Ferreira.
Marguerite décède à trente-six ans après avoir mis au monde leur huitième enfant. Elle laisse quatre filles : Marie Anne dix-neuf ans, déjà mariée ; Rose sept ans ; Marie Françoise quatre ans ; et le nourrisson Jeanne, neuf jours.
Marie Anne Jaffré (1732-1785)
Elle épouse à quatorze ans Jean Dupuy (1716-1776), trente ans, fils d’un marchand de la Loire arrivé récemment dans la colonie où il est maître armurier.
Leur seule fille connue Marie Rose Dupuy ne vit que trente-quatre ans, mais se marie à deux reprises et a six enfants. Elle s’unit à l’âge de quatorze ans avec un militaire de trente-huit ans né dans la Drôme et anobli qui devient capitaine aide-major au Régiment de l'Isle de France (Maurice). Leurs descendants restent vivre dans le comptoir de Pondichéry mais un de leurs fils fait souche à l’île Maurice.
Rose Jaffré (1743-1792)
Elle n’a pas encore fêté ses quatorze ans quand elle se marie avec Claude Guillaume Morel (~1733-1773) natif de Paris, capitaine d’armes puis employé à la procure général de Pondichéry.
L’une de leurs filles Nicole Thérèse Morel nait dans les Indes anglaises en 1762 où la famille a dû se réfugier après la destruction de Pondichéry. Elle revient dans la ville et s’unit avec un gentilhomme du Roy. Leurs enfants continueront la lignée.
Veuve, Rose se remarie avec un chirurgien de Karikal Nicolas Baudoin (~1726-1801), également veuf. Leurs filles épouseront des cousins, le fils de Jeanne et le petit-fils de Marie Anne.
Marie Françoise Jaffré (1746-1780)
Elle épouse à l’âge de vingt-deux ans un veuf originaire de la Nièvre, notaire et greffier en chef de Pondichéry. Elle décède à seulement trente-trois ans, il semble que seul son beau-fils survive mais aucun de ses trois enfants.
Jeanne Jaffré (1751-1771)
Mariée à quinze ans à un joaillier parisien de trente-six ans, elle part vivre à Madras, a trois enfants et s’éteint à vingt ans. Son fils deviendra inspecteur de police à Pondichéry et épousera sa cousine germaine, fille de Rose.
Les sœurs Jaffré font partie des femmes qui ont permis le développement de la population européenne de Pondichéry et de Maurice. Elles se sont unis à des négociants, militaires, administrateurs du comptoir nouvellement arrivés de la métropole. Mariées trop jeunes, mortes vers la cinquantaine pour les deux aînées et à trente-trois et vingt ans pour les cadettes, elles ont eu une descendance, ce qui était d’une importance majeure pour la colonie, parfois au détriment d’une certaine consanguinité.
Sources : Archives Nationales d’Outre-mer (ANOM) ; Marquet Julie, Pondichéry, des Français en Inde, revue l’Histoire octobre 2024 ; Magasins de la Compagnie des Indes à Pondichéry, XVIIIe siècle ; Louis Trenard, Compagnies françaises des Indes, Encyclopædia Universalis; Plans : Nicolas de Fer, (1647 ? - 1720). Plan de Pondichéry à la cote de Coromandel occupé par la Compagnie royale des Indes orientales / mis au jour par N. de Fer. 1704, Gallica ; Karikal, L'Illustration, 1931 — Atlas colonial français. Colonies, protectorats et pays sous mandat.