La sage-femme est une personnalité importante dans les villes et villages. La profession est réglementée et très surveillée depuis le début du XIXe siècle. Peu rémunératrice également même si certaines tentent de faire bouger les choses.
Claudine Thollet exerce dans la commune de Mornant au sud-ouest de Lyon. La ville est concentrée autour de son bourg du Moyen-Age et comprend aussi des hameaux à une trentaine de minutes de marche. Les 2500 habitants, souvent agriculteurs travaillent également dans les industries de tissage, du velours et de la chapellerie qui forment le maillage économique de la région lyonnaise.
Marie Claudine Thollet est née le 13 mars 1841 à Larajasse dans le Rhône et épouse le 25 septembre 1871 Etienne Grange (1835-1887) un agriculteur du village. Elle est alors ouvrière en soie et apporte en dot, avec son trousseau et un lit garni, deux métiers à fabriquer les étoffes. Le couple a deux filles mais seule l’aînée Pierrette Antoinette (1872-1928) survit, la cadette Antoinette Joséphine (1880-1881) n’atteint pas deux ans.
Dans le village de Larajasse, une sage-femme très active Catherine Flachy (1826-1893), déclare le tiers des naissances annuelles du lieu. Elle assiste probablement d’autres femmes mais n’apparait pas sur les registres quand le père se rend lui-même à la mairie. A-t-elle été le modèle de Claudine ? En tout cas, elles se connaissent. En 1868, Catherine est la sage-femme de la jeune sœur de Claudine.
La formation dans le Rhône se déroule à l’hôpital de la Charité et dure deux ans. En plus des cours d'accouchement, des notions de vaccination, de soins aux enfants, de saignée et pansements, les élèves apprennent des éléments de botanique, d'histoire naturelle et de pharmacologie.
Les maires proposent des candidates pour l’obtention de bourses départementales. Le préfet du Rhône leur explique les modalités d’admission : femmes âgées de dix-huit à trente-cinq ans, en bonne santé, sachant lire, écrire avec une bonne orthographe et compter.
Claudine obtient une bourse pour la rentrée de 1876.
La famille s’installe à Mornant où Claudine apparait dans une première déclaration de naissance le 1er août 1879.
Après un an d’exercice elle envoie une lettre au préfet pour demander s’il existe une subvention pour les accouchements de femmes indigentes. Elle est « peu fortunée, et messieurs les médecins conservent pour eux les accouchements de personnes riches et me laissent les pauvres ». Sa missive indique qu’entre janvier et novembre 1880, elle a assisté quatorze femmes, trente-trois naissances ont été enregistrées dans la commune pendant la même période.
Le préfet répond au maire de Mornant qu’il n’a « aucun crédit pour cette destination ».
Claudine poursuit sa mission auprès des ouvrières en soie et des veloutières. Elle déclare la plupart des enfants naturels. Elle exerce son métier pendant trente ans.
En 1901, elle assiste sa fille Antoinette qui accouche d’un fils posthume qui ne vit que deux ans. Les deux veuves résident ensemble avec le petit-fils aîné Philippe. Pour compléter ses revenus, Claudine est nourrice pour des enfants de Lyon et des villages voisins (recensement de 1906).
Début décembre 1909, elle est auprès de sa dernière accouchée. Elle meurt deux mois plus tard le 29 janvier 1910 à l’âge de soixante-huit ans. Elle ne possède aucun bien à transmettre.
Sources : photographie: Classe de sages-femmes à la fin du XIXe siècle - © Archives départementales du Maine-et-Loire; carte postale Geneanet ; Archives départementales du Rhône (cotes 3E14416, 5M67, 5M72, 4E11963, 6M508); Gallica (BnF)